Textes

Né en 1989 à Paris, Mathieu Archambault de Beaune étudie d’abord le design pour ensuite obtenir son diplôme national supérieur d’expression plastique (DNESP) en 2015 à l’Ecole supérieure des Beaux-arts d’Angers (ESBA TALM). Il vit et travaille à Angers.

« Les yeux, les mains et les pieds ne sont pas tellement dissociés chez Mathieu Archambault de Beaune et tout commence par une certaine dérive. C’est d’abord le territoire d’une pensée qui nous emmène quelque part à mi-chemin entre le trivial du quotidien et une réalité fantasmée. Psychonaute avéré, de ses déambulations réelles ou métaphoriques naissent des images mentales et objets manifestes. Que ce soit par le dessin ou par la sculpture, il s’agira toujours d’une grande invitation à la Contemplaction. On y voit se jouer des scènes arrêtées mais non immobiles, peuplées de choses qui demeurent à qui veut le voir, toujours en mouvement. On pourrait d’ailleurs dire que le souffle est un élément déterminant dans son travail et bien qu’invisible, toujours présent. C’est cette même volonté de transformer qui pousse et guide l’embarcation de fortune que s’est construit l’artiste-aventurier et sur laquelle il nous fait place pour prendre part à un voyage suggéré qui revêtira différentes formes plastiques comme autant de chapitres d’un journal de bord et comme autant d’événements anecdotiques d’un périple dont il se fait le conteur. Il est présent dans la chose même. Dans ces artefacts d’objets, dans ces images qui prennent vie à travers les différents matériaux thésaurisés au cour de missions de glanage, ou résultants de gestes plus impulsifs, plus spontanés qui trahissent le désir instinctif de prendre, de garder, de transformer, et de partager. Ainsi, qu’on le veuille ou non, nous prendrons part à ces excursions, et serons accompagnés par une macabre légèreté. Car la mort présente en filigrane est là quelque part pour mieux symboliser la vie et souligner par quelques détours surréalistes que tout ceci n’est qu’un jeu. » H.C

« C’est d’abord la dérive d’une nécessité. Celle d’être entouré d’objets. On en possède après les avoir ramassés, les fabrique, les imagine, les transforme. Ils acquièrent fnalement leur ultime rôle une fois accumulés : être les seuls résidus d’une vie, définir leur propriétaire et devenir les reliques de son existence. On devrait penser l’arbre généalogique à l’aide d’objets. La parole-souvenir et le récit historique s’estompant ; j’espère que la matière, elle, reste pérenne, pour que tous les objets deviennent des ossements.
Les Objets, ont toujours depuis homo faber joué ce rôle de combler, d’abord un manque de pouvoir, ce sont les outils, puis l’ennui et enfin le silence. Aujourd’hui, ils ont acquis pour moi une position particulière, ils sont devenus des acteurs bavards. Comment s’occuper lorsqu’on ne fait rien, comment s’amuser sérieusement, comment voyager sans but ? Je fais semblant par peur de l’aporie, je ne réponds en fait à rien, si ce n’est au besoin de traduire et de transformer des situations banales en les sublimant.
Cela m’apparaît parfois comme un prétexte. On se raconte tous des histoires, on ment pour rêver, on s’invente pour s’aider à se construire. L’épopée d’une vie a besoin de matériel héroïque et d’assistants viatiques. Pourquoi les objets n’en seraient-ils pas?

Tout ce vocabulaire de formes engendre des images, des objets dont le rôle qu’on leur attribue est vecteur de narration. C’est parce que je les utilise d’abord pour jouer, raconter ou bloquer la porte du réfrigérateur que chacune des sculptures me sert. Toutes patientent avant le grand potlatch, avant d’être assemblées pour édifier un nouvel ensemble, avant de participer à un système sculptural. Lorsque la contemplation du réel devient fulgurante, il se crée des anomalies, des transfigurations de l’esprit. C’est alors que l’autofiction devient un jeu de tous les jours. On s’aime néo-animiste; entre confrontation ou dialogue de matière et de texture, j’emploie la céramique, le bois, le métal, le tissu ou la ficelle pour enrichir un carrefour de sens et non une ligne narrative circonscrite. Au fond un bloc de mousse polyuréthane vaut autant celui de marbre. Et l’on croit aux règles absurdes qui nous gouvernent: le jeu oscille entre les limites du profane et du sacré. Ma volonté de graver des images se situe entre le dessin et la sculpture. Adepte du carnet de dessin itinérant, c’est ainsi que j’ai construit une relation directe entre la représentation d’objets et l’objet lui-même.
L’intérêt de la gravure à l’eau-forte s’inscrit aussi bien dans le processus que je rapproche de la sculpture, de par les outils utilisés, et de l’objet fnal auquel j’accorde beaucoup d’importance. La sensibilité et le mystère que j’entretiens avec la matière et les choses se retrouvent dans la plaque terminée. En effet, la plaque est ici considérée comme un bas-relief, un début de sculpture ou du moins une surface modelée faisant le pas entre image et objet tridimensionnel. Ainsi cela évoque le caractère haptique de l’objet complétant ma réflexion de sculpteur. La gravure représente ce pont qui à mes yeux met en évidence un volume mince, un paysage de métal quasi microscopique fait de creux et de pleins. Je dessine des images d’Épinal ou des notices se référant à mes sculptures dans lesquelles je me mets en situation, comme un aventurier casanier. Ainsi elles deviennent l’apanage de mes sculptures.

Elles montrent une possible utilisation, vecteur d’un ailleurs et de scénarios fantasmés. Ces gravures sont un point important de mon travail par la confrontation et le dialogue qu’elles entretiennent avec les objets sculpturaux que je fabrique et montre. De plus j’envisage ces images gravées comme des événements venant clore un moment et une fabrication d’objets. Elles s’éloignent ainsi du croquis préparatoire ou de l’imagination picturale (découlant sur une sculpture), au contraire, ces images confirment mes jouets sculpturaux, les rendant encore plus réels à mes yeux. » Mathieu Archambault de Beaune.

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